Depuis mai 2012, il paraît quasi impossible d’aborder le thème des jeux d’argent en ligne en France sans avoir à évoquer l’Arjel. Et pour cause: cette autorité administrative a été mise au jour par la loi du 12 mai 2010, et plus précisément par l’article 34 de cet ensemble de textes juridiques.
Aujourd’hui encore, plus d’un an et demi après, l’Arjel est un sujet brûlant dès que l’on touche à la légalité des jeux sur Internet. C’est pourquoi il est nécessaire de revenir sur les raisons de la fondation d’une telle autorité, sur ses missions et ses domaines d’applications exacts, et enfin sur son impact sur le monde des jeux d’argent en ligne.
La création de l’Arjel est indissolublement liée à l’ouverture du secteur des jeux de hasard et d’argent en ligne à la concurrence. En effet, cette ouverture à la concurrence a été officiellement lancée par ladite loi du 12 mai 2010. L’Arjel, acronyme pour l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne, a ainsi pour but principal d’assurer le bon fonctionnement du marché des jeux d’argent sur le web français.
Bien que l’Arjel émane donc directement de l’Etat, ses relations avec ce dernier sont quelque peu limitées dans la mesure où l’Arjel est une autorité administrative dite “indépendante”.
Autrement dit, il s’agit d’un organisme certes étatique, mais qui témoigne d’une autonomie plus grande par rapport au politique que s’il s’agissait d’une autorité administrative classique. L’appellation anglaise de “quasi non-governmental organisation” est assez parlante pour comprendre la marge de manœuvre relativement ambiguë de ce type de structure.
L’Arjel est apparue dans un contexte à plus large échelle, à savoir dans un contexte européen puisque la loi du 12 mai 2010 est la conséquence d’un avis de la Commission européenne datant de 2007.
Effectivement, la Commission Européenne estimait que le principe de libre-prestation de services réglementé par le Traité CE n’était pas respecté par la législation française au niveau des paris hippiques et des paris sportifs.
Cet avis motivé a été suivi de près par une affaire opposant le PMU et la célèbre société Zeturf, qui a abouti à la condamnation du monopole étatique sur le secteur des jeux.
La mission de l’Arjel est donc double: elle consiste à réguler le marché des jeux d’argent et des jeux de hasard en ligne tout en garantissant la protection des joueurs, à la fois contre les sites nommés "illégaux", le blanchiment d’argent et tous les types de fraudes, mais aussi contre l’addiction aux jeux (c’est-à-dire, en quelque sorte, contre les joueurs eux-mêmes).
En un mot, l’Arjel s’est imposé le rôle suivant: maîtriser la concurrence du secteur des jeux en ligne.
Son cahier des charges, approuvé par l’Etat, établit les caractéristiques que doivent respecter les plateformes autorisées; c’est d’ailleurs elle qui délivre les licences desdites plateformes.
Enfin, l’Arjel s’occupe de la fiscalité mise en œuvre par la loi du 12 mai 2010: les opérateurs en ligne agréés sont soumis à un taux de prélèvement aligné sur celui des jeux en réel. Ce prélèvement, qui s’applique aux mises des joueurs, est plus élevé pour les filières sportives et hippiques que pour le domaine du poker.
En effet, trois secteurs bien délimités sont concernés par cette ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne français: le secteur des paris hippiques, le secteur des paris sportifs et enfin le secteur des jeux de cercle, autrement dit du poker. La liste exhaustive des plateformes de jeu disposant de l’agrément de l’Arjel est présente sur le site de cette dernière.
Notons que, si les machines à sous ne sont pas autorisées par la loi française, certains jeux de casino online sont permis par l’Arjel, à savoir le Bingo live, l’EuroMillions, le Loto ou encore le Keno, soit des jeux exclusivement détenus par la Française des Jeux. Un hasard ? Certainement pas...
Autrement dit, sur ce point, l’Arjel n’a pas bien veillé à la concurrence du secteur puisque les jeux de hasard restent le monopole de la FDJ... Un comble lorsqu’on se souvient que la loi du 12 mai 2010 et la création de l’Arjel étaient censés mettre un terme à ce monopole.
C’est l’un des reproches fondamentaux qui est formulé à l’encontre de l’Arjel, aussi bien par les opérateurs ne pouvant proposer de jeux de casinos en ligne, que par les joueurs amateurs de machines à sous dont certains étaient habitués aux slots de grande qualité des sites aujourd’hui qualifiés d’illégaux.
Dans le domaine du poker également, qui est certes autorisé et régulé par l’Arjel, nombreux sont les internautes à exprimer leur mécontentement face aux rakes au coût parfois considérable.
Les joueurs français s’étant résignés à l’offre légale regrettent bien souvent les plateformes internationales qu’ils fréquentaient autrefois, qui présentaient des formules plus intéressantes et leur permettaient d’affronter des joueurs des quatre coins du globe.
Les joueurs ne sont pas les seuls à se plaindre des effets de la loi du 12 mai 2010; on sait que les opérateurs souffrent des trop grandes restrictions qui leur sont imposées, surtout en matière de fiscalité.
Dans cette perspective, le sénateur François Trucy avait établi un rapport qui était au centre de la clause de revoyure attendue avec impatience par la quasi-totalité des acteurs de l’industrie des jeux en ligne en France. L’une des exigences les plus remarquées de ce rapport était que la taxation bascule sur le produit brut des jeux (PBJ) des opérateurs, et non plus sur les mises des joueurs.
Malheureusement, alors que le Sénat et l’Assemblée nationale semblaient s’être faits à cette idée, le gouvernement, par l’intermédiaire de la ministre du budget Valérie Pécresse, a rétorqué au mois d’octobre 2011 que les modalités des prélèvement fiscaux resteraient inchangées.
L’Arjel, pourtant, apportait des arguments concrets en la faveur de la clause de revoyure, au même titre que certains sénateurs et que les opérateurs de jeux en ligne.
En effet, l’Arjel souligne que beaucoup d’opérateurs se trouvent dans une situation délicate, voire au bord de la faillite, à cause des mesures trop strictes imposées par la loi sur l’ouverture à la concurrence du secteur.
Voici quelques exemples: Canal+ avait obtenu sa licence pour opérer en France des paris sportifs. Les dirigeants, très perspicaces, n'ont jamais lancé en ligne le site de Canal+, pourtant agréé par l'Arjel. Motif ? Non rentable.
Sajoo, le site de paris en ligne et de poker du groupe de presse français détenu par la famille Amaury a été racheté par le bookmaker Bwin. Motif ? Non rentable. Tf1 avec EurosportBet a été racheté par Unibet dernièrement. Motif ? Non rentable. Et d'autres exemples ne manquent pas autant dans les paris en ligne que dans le poker.
Pire encore, dans la mesure où ils ne gagnent pas d’argent, certains sites agréés ont été contraints de baisser proportionnellement la rémunération de leurs joueurs. Pour le poker, par exemple, les droits d’entrée pour les tournois ont augmenté de 89 % au troisième trimestre.
Jean-François Vilotte, président actuel de l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne, reconnaît que les seuls sites à afficher une réelle rentabilité sont le PMU et la Française des Jeux, c’est-à-dire les deux opérateurs qui avaient déjà, avant la loi du 12 mai 2010, le monopole sur le secteur des jeux de hasard et d’argent.
En novembre 2011, l’Arjel a donc, une nouvelle fois, tiré la sonnette d’alarme: dans un contexte où la fiscalité française est deux fois plus haute que la moyenne européenne pour les opérateurs, les joueurs risquent de se tourner de plus en plus vers les sites illégaux et c'est le cas: 30% des parieurs et des joueurs de poker jouent sur des sites "illégaux" ou se sont exilés de France pour maximiser leurs revenus.
L’Arjel ne pourrait plus, alors, remplir convenablement ses missions de régulation du marché et de protection des joueurs, qui représentent pourtant sa raison d’exister. On voit bien que l’Arjel, bien plus proche des réalités du marché que le gouvernement, souffre du poids du gouvernement qui bride ses initiatives en faveur des opérateurs et des joueurs.
Finalement, le terme "illégal" convient mieux à l'Etat français qui en fait, n'a pas respecté les directives européennes au niveau de la concurrence.
Les anciens monopoles (PMU et FDJ) sont restés des monopoles... mais déguisés. Résultat, des millions de recettes fiscales échappent à l'Etat à cause d'une loi trop rigide. Les parieurs et joueurs de poker ne sont pas dupes de la supercherie fiscale harmonisée par l'Etat.
A noter pour finir cet article, que l'Arjel a désormais le pouvoir
envers les FAI français pour bloquer un site. Mais ce pouvoir est payant. En effet, c'est l'Arjel maintenant qui paient les FAI pour bloquer un site "illégal". Mais un bloquage pour combien de temps ? 5 minutes ?
Oui, cela est suffisant au site pour se remettre en ligne. Mais qui paie l'Arjel pour qu'elle rémunère les FAI en cas de blocage ? L'Etat bien sûr. Cela revient très cher à l'Arjel, donc à nous citoyens, de payer tous les FAI afin de procéder à un bloquage... surtout pour 5 minutes.
Dire qu'il faut tout simplement baisser les taxes sur les opérateurs de jeux
en France (comme l'Italie et le Royaume-Uni) pour éviter les 30% de fuites de joueurs français au lieu de dépenser de lourds frais de bloquages de sites. Quel est le Q.I de nos énarques ? Question posée... |